ANUTTARASTIKA / HUIT STANCES SUR L'INCOMPARABLE :
1. Ici, nul besoin de progrès spirituel ni de contemplation, ni
d'habileté de discours, ni d'enquêtes, nul besoin de méditer, ni de se
concentrer, ni de s'exercer aux prières marmonnées. Quelle est, dis-moi,
la Réalité ultime absolument certaine ? Écoute ceci : ne prends ni ne
laisse et, tel que tu es, jouis heureusement de tout.
2. Du point de vue de la Réalité absolue, il n'y a pas de
transmigration. Comment alors est-il question d'entrave pour les êtres
vivants ? Puisque l'être libre n'a jamais eu d'entraves, entreprendre de
le libérer est vain. Il n'y a là que l'illusion de l'ombre imaginaire
d'un démon, corde prise pour un serpent qui produit une confusion sans
fondement. Ne laisse rien, ne prends rien, bien établi en toi-même, tel
que tu es, passe le temps agréablement.
3. Dans l'Inexprimable, quel discours peut-il y avoir et
quelle voie différencierait adoré, adorant et adoration ? En vérité,
pour qui et comment un progrès spirituel se produirait-il, ou encore qui
pénétrerait par étapes dans le Soi ? Oh Merveille ! cette illusion,
bien que différenciée, n'est autre que la Conscience-sans-second. Ah !
tout est essence très pure éprouvée par soi-même. Ainsi, ne te fais pas
de soucis inutiles.
4. Cette félicité n'est pas comme l'ivresse du vin ou
celles des richesses, ni même semblable à l'union avec la bien-aimée.
L'apparition de la Lumière consciente n'est pas comme un faisceau de
lumière que répand une lampe, le soleil ou la lune. Quand on se libère
des différentiations accumulées, l'état de bonheur est une allégresse
comparable à la mise à terre d'un fardeau, l'apparition de la Lumière
est l'acquisition d'un trésor oublié : le domaine de l'universelle
non-dualité.
5. Attirance et répulsion, plaisir et douleur, lever et
coucher, infatuation et abattement, etc., tous ces états participant aux
formes de l'univers se manifestent comme diversifiés, mais en leur
nature ils ne sont pas distincts. Chaque fois que tu saisis la
particularité d'un de ces états, attentif aussitôt à la nature de la
Conscience comme identique à lui, pourquoi, plein de cette
contemplation, ne te réjouis-tu pas ?
6. L'efficacité de ce qui existe actuellement n'existait
pas auparavant ; de façon soudaine, en effet, surgissent toujours les
choses en ce monde. À quelle réalité peuvent-elles prétendre, ainsi
troublées par la confusion déformante de l'état intermédiaire ? Quelle
réalité y a-t-il dans l'irréel, l'instable, le falsifié, dans un
amoncellement d'apparences, dans l'erreur d'un rêve ? Reste par-delà
l'imperfection propre aux angoisses du doute et éveille-toi.
7. L'inné ne peut être sujet au flot des existences
objectives ; celles-ci ne se manifestent qu'éprouvées par toi. Bien que
privées par nature de réalité, en un instant, par la faute d'une erreur
de perception, elles prennent part au réel. Ainsi jaillit de ton
imagination la grandeur de cet univers puisqu'il n'existe pas d'autre
cause à son apparition. C'est pourquoi, par ta propre gloire, tu
resplendis dans tous les mondes et, bien qu'unique, tu es l'essence du
multiple.
8. Lorsque surgit la Conscience en tant que contact
immédiat avec soi-même alors le réel et l'irréel, le peu et l'abondant,
l'éternel et le transitoire, ce qui est pollué par l'illusion et ce qui
est la pureté du Soi apparaissent radieux dans le miroir de la
Conscience. Ayant reconnu tout cela à la lumière de l'essence, toi dont
la grandeur est fondée sur ton expérience intime, jouis de ton pouvoir
universel.
Merci Philippe